Le Prix d’archéologie 2014 de la Fondation Simone et Cino del Duca a été décerné à la Mission archéologique franco-chinoise au Xinjiang dirigée par Corinne Debaine-Francfort, directrice de recherche au CNRS, pour les découvertes exceptionnelles réalisées depuis 1991 sur des sites protohistoriques au Xinjiang, par la première mission étrangère autorisée à fouiller en Chine.
Le Prix de la Fondation del Duca sera d’une aide inestimable pour le développement de nos recherches. Aussi suis-je extrêmement reconnaissante envers les membres de l’Institut qui ont distingué mon équipe, et honorée de nous voir attribuer ce prix prestigieux qui prend une signification particulière en cette année de commémoration du 50e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et la Chine.
Corinne Debaine-Francfort
Première mission étrangère autorisée en Chine à sa réouverture en 1991, la Mission archéologique franco-chinoise au Xinjiang, soutenue par le ministère des Affaires étrangères, repose sur une étroite coopération entre le CNRS et l’Institut d’Archéologie et du Patrimoine du Xinjiang — région immense et aride de Chine du Nord-Ouest dont les oasis furent autant de jalons sur la route de la Soie, mais dont l’histoire plus ancienne est longtemps restée inconnue.
Fortement engagée dans la protection et la restauration du patrimoine, la mission archéologique franco-chinoise au Xinjiang s’est développée autour de trois objectifs principaux :
En s’appuyant sur l’analyse d’images satellitaires, l’équipe franco-chinoise a exploré les deltas intérieurs fossiles d’une rivière dans le désert de Taklamakan, et a ainsi vérifié l’hypothèse de l’existence de peuplements anciens dans les deltas avant leur assèchement.
De son cours actuel à ses paléo-chenaux, une progressive remontée du temps au cœur de cet immense désert a permis de restituer une évolution du peuplement des deltas et de leurs oasis.
Plus de 600 sites ont été identifiés, et avec eux des ensembles culturels restés jusque là inconnus.
Karadong, site antique du IIIe siècle, a livré les plus anciens sanctuaires et peintures bouddhiques de Chine.
La mise au jour du village fortifié de Djoumboulak Koum, véritable joyau de l’âge de fer, datant du Ier millénaire av. J.-C. et situé au cœur d’une vaste oasis jadis irriguée, a permis de replacer le Xinjiang au cœur de l’histoire du développement des sociétés agricoles sédentaires de l’Asie centrale.
Plus récemment, la découverte de vestiges du IIIe-IIe millénaires, et plus particulièrement celle du Cimetière Nord de la Keriya — forêt de stèles en bois peint accompagnant des cercueils recouverts de peaux d’animaux — associé à des vestiges d’habitat, a révélé l’existence au cœur du Xinjiang d’une civilisation du Bronze s’inscrivant dans un réseau spatial avec les steppes et les oasis d’Asie centrale occidentale.
L’équipe travaille aujourd’hui à caractériser ces vestiges qui renouvellent les connaissances sur la vie quotidienne et les pratiques funéraires et symboliques aux hautes époques.
Par son impact méthodologique et scientifique la mission a fortement influencé le développement des recherches sur la protohistoire du Xinjiang et inspiré de nombreuses actions de formation. Ses travaux ont fait l’objet d’une exposition (Paris, Espace EDF-Valectra 2001) et d’un film (CNRS, Arte, Gédéon Programmes, 2003). La richesse en matériaux périssables desséchés des sites de la Keriya (notamment une collection de textiles et de toisons de l’âge du bronze unique au monde) a par ailleurs généré un programme de recherches pluridisciplinaires sur les biomatériaux, fondé sur des partenariats avec des laboratoires en pointe dans ces domaines et exigeant de lourds investissements en termes d’analyses et de restauration.